Cette semaine, un passage qui montre l’envers du décor chez les Musaraignes. On y découvre Thémis et Nizul face aux préparatifs de leur projet qui, s’il fonctionne leur fera grimper pas mal d’échelons dans la Confrérie.
— Apparemment, c’est réciproque, répondit Nizul en souriant. Il n’a pas l’air de te tenir en haute estime.
Le jeune chef le foudroya du regard.
— Ce gros sac de lard passe son temps à nous rabaisser ! J’te jure, un jour, je lui règlerai son compte !
— C’est pas une bonne idée, Them’. Le lieutenant du Chat, vaut mieux pas le contrarier. En plus, t’as vu ses couteaux ? Jamais vu des lames aussi tranchantes !
— Ben, c’est pas le Boucher pour rien…
Son bras droit avait raison, et cela agaçait fortement Thémis. Devoir attendre, subir, sans rien dire, il en avait plus que marre ! Sa bonne humeur revint lorsque Nizul se prit les pieds dans une racine et s’affala par terre. La nuit était tombée depuis longtemps et le chemin pour regagner la ferme abandonnée était difficile à distinguer dans le noir.
— Tu vas te la prendre tous les soirs celle-là ! se moqua-t-il.
— Oh merde ! Thémis, faut vraiment qu’on change de planque. J’en ai marre de passer par là, on y voit rien !
Passablement énervé, Nizul se releva et essuya ses mains couvertes de terre. Thémis eut un sourire jusqu’aux oreilles.
— Ne t’inquiète pas, mon ami. Après ce qu’on va faire demain soir, notre vie va changer !
[…]
— J’espère que Baast sera avec nous, j’adorerais quitter cet endroit minable.
— Et moi donc ! Phéos sera obligé de ramper devant moi pour s’excuser après ça. Si ça se trouve, je prendrai sa place, à ce vieux bouc !
Depuis que Thémis connaissait le Boucher, celui-ci ne cessait de mettre en doute ses compétences. Il était toujours trop jeune, trop insouciant, trop… trop tout ! Il avait éclaté de rire quand Thémis avait annoncé son projet lors d’une soirée au Mulet, la maison de bière la plus infecte du port.
— Regardez-moi ce rat qui prétend jouer au chien de guerre ! avait-il lancé à la cantonade.
Tout le monde s’était gaussé, bien entendu. Thémis aurait voulu étrangler ce salaud.[…]«
Et où l’on découvre que le sentimentalisme revêt bien des aspects
« — En cas de problème, reprit-il, on reste sur le point de repli qu’on a décidé.
— La grotte côtière ? D’accord. C’est un peu loin, mais ça me paraît sûr. J’y conduirai Merit demain dans la journée, si ça ne te gêne pas.
— Ma parole, tu y tiens à cette fille!
Les sentiments du garçon pour la pétillante Merit n’étaient un secret pour personne. C’était la seule raison pour laquelle Thémis ne l’avait jamais touchée. Il connaissait Niz depuis si longtemps que ça aurait été comme trahir son frère. Dommage, d’ailleurs, car ce grand benêt restait platoniquement accroché à cette fille, qui en jouait avec talent. Ça avait le don de l’agacer ; il n’attachait que peu d’importance à ses camarades, mais curieusement, Nizul et lui étaient comme du même sang. Elle s’amusait avec lui, Thémis en était certain. Si au moins cette idiote avait été aussi efficace pour ramener du butin que pour accommoder le rat bouilli, cela aurait été plus utile…
— Je plaisante, Nizul. Si j’ai un ami dans ce bas monde, c’est toi. Fais comme tu veux.
— Tu ne veux pas que j’y emmène Alaia ?
Il lui jeta un coup d’œil en biais, guettant un signe de colère. Thémis avait tendance à s’emporter quand on abordait le sujet. Mais non, il resta étonnamment calme, secouant simplement la tête.
— J’ai besoin de ses talents. Elle est rapide et a des doigts en or. Ce serait dommage de m’en priver…
Il se tut soudain. Il pouvait presque humer le parfum de ses cheveux cuivrés dans l’air.
— Tu fais une drôle de tête, Them’. Depuis quelques temps, t’es pas dans ton état normal. Tu as un problème ?
— Non, rien… ça va. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. Je n’ai jamais eu envie de posséder et de briser quelqu’un d’une manière aussi pressante… Je crois que je suis amoureux, Niz’ !
Son ami lui donna une claque amicale dans le dos en éclatant de rire.
— Amoureux hein ! T’as quand même une drôle de façon de lui montrer, tu sais ! »
Cette scène est le prélude à ce qui risque d’être un tournant dans la vie de nos « héros »! Dans le prochain extrait, on retrouvera Alaia en plein boulot, et si j’ai encore assez de place, un peu de Cordo!